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Individualisation de la GRH et montée du stress ?
L’individu placé au cœur des préoccupations RH a occulté le fait que la performance collective prévaut sur la performance individuelle. Aujourd’hui le Master GIRH de l’Université de Clermont-Ferrand 2 repense le lien social et une nouvelle organisation du travail.
Volonté des collaborateurs qui souhaitaient plus de reconnaissance individuelle au sein de l’entreprise ? Méthodes de management basées sur le contrôle de la performance des collaborateurs ? Quoi qu’il en soit l’individualisation en matière de gestion des ressources humaines qui prévaut aujourd’hui en entreprise a quelques liens avec la montée du stress. Les salariés ne sont plus responsables collectivement mais individuellement. À cela s’ajoutent des contraintes d’économie et de performance qui induisent une intensification du travail. Ces dernières années, la variable d’ajustement des entreprises en vue de diminuer les coûts a été l’individu. Plus contraint de sur performer avec souvent moins de moyens, plus contrôlé par tous les nouveaux outils de gestion des hommes, le collaborateur a vu peu à peu son moral chuter. Chacun a dû sauver sa peau et la solidarité a disparu. Les politiques de mise en compétition, notamment basées sur les rémunérations variables, n’ont pas amélioré la situation.
Aujourd’hui c’est toute l’organisation du travail qu’il faut repenser. Remettre du lien social est une priorité. Renaud Muller, maître de conférences au master GIRH de l’Université de Clermont-Ferrand 2 et auteur avec Pierre Chaudat de –Nouvelles organisations : entre souffrance et performance – (éditions l’Harmattan), en témoigne : « Depuis les années 1990, la culture du défi s’est imposée et la performance est devenue un moyen de survie. Les conditions de travail en ont pâti et les salariés n’ont plus eu les ressources nécessaires pour faire face à leurs obligations en matière de charge de travail. La loi sur les 35 heures n’a rien arrangé puisqu’ils ont dû – pour la plupart – travailler autant en moins de temps. Par conséquent, ce sont les espaces de régulation du travail, comme les pauses, qui ont été supprimés. Les thématiques liées au stress en entreprise augmentent considérablement, notamment au sein des PME. Je le constate en tant que président du comité d’orientation de l’ARACT Auvergne (Agence Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail). Je vois beaucoup de cas concrets en entreprise. Nos étudiants continuent donc à étudier de nombreux exemples pratiques. Notre but est de les aider à trouver à chaque fois les ressources nécessaires pour résoudre les problématiques qui surviennent. » Le professeur préconise donc aux futurs responsables RH de mobiliser les bonnes personnes mais également de recréer du lien notamment en aménageant des zones de repos et des espaces d’échange.
Un contrôle accru
Renaud Muller soulève un autre point important : l’intimité de la personne au sein de l’entreprise est de moins en moins respectée. Toutes les nouvelles technologies permettent aujourd’hui d’intensifier le contrôle. Cette situation génère encore plus de stress chez les collaborateurs, qui se sentent épiés. « Un contrôle impersonnel et diffus, au travers de procédures qui prétendent viser la qualité et la responsabilité, prend la place du contrôle dans une relation de supervision directe. A cette pression sans visage s’ajoute celle du manager dont le rôle demeure défini autour de l’animation, de la stimulation de l’effort, alors qu’il faudrait qu’il régule les charges de travail en prenant en compte la diversité des risques auxquels est exposé un salarié dans son activité et les ressources individuelles et collectives dont il a besoin ou dont il dispose pour les réguler. On a vanté le progrès de l’autonomie du salarié depuis des années, sans réfléchir au cumul des tâches, des responsabilités et des risques associés auxquels on l’exposait. En réalité, le sentiment des salariés est souvent plus celui de la solitude que de l’autonomie dans leurs responsabilités. Les managers, eux-mêmes, sont souvent enfermés dans un rôle de « passeurs de contrainte » (cf. David Courpasson, EM Lyon) et victimes de cette « sur-accumulation à subir tout seul ». Travailler sur les risques psychosociaux, c’est remettre en question la sur-exposition diffuse et muette des salariés à des sources de tensions et valoriser une réflexion sur la pertinence des tâches, des responsabilités et des procédures. »L’Université de Clermont-Ferrand 2 prépare les étudiants aux vastes chantiers auxquels l’entreprise doit faire face dans la prochaine décennie. Des approches novatrices, fruit d’un échange avec l’ensemble du réseau de l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail), pour retisser la toile du travail collectif, avec des responsabilités partagées, dans l’entreprise.
Texte Maânei Média
Source Réseau Référence RH