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Innovation RH en Grèce : une des solutions à la crise
Quel avenir pour le territoire hellénique ? Le colloque organisé à l’initiative du club ECHR European Club for human resources avec le soutien de l’association grecque Greek People Management Association et la société S&B, les 4 et 5 octobre à Athènes, a voulu mettre en exergue les pratiques RH durables pour aider le pays à sortir de la crise.
La Grèce est entrée dans une crise dont elle a du mal à voir l’issue. Les yeux des Grecs restent rivés vers l’Union européenne, leur possible « sauveur. » Pas de travail, pas d’argent, ils sont à cran et les manifestations à répétition révèlent un égarement total. Maillon faible de l’Europe, la Grèce peut sauter. Le sentiment d’abandon au sein d’une économie globalisée et puissante a de quoi effrayer. Sur place, les rues désertes, parfois sinistrées, les magasins clos et les manifestations de rue laissent présager des lendemains guère prometteurs. Avec un fort endettement, un déficit public colossal et des problèmes structurels, la situation de la Grèce paraît inextricable. Les revenus, issus principalement du tourisme interne, se sont effondrés. Un pays de la zone euro qui finalement n’a pas su s’ouvrir et se réinventer pour trouver sa place. Le gouvernement grec a fait des efforts lors de la présentation de son budget 2013 : les réductions des dépenses, de l’ordre de 12% du PIB, sont drastiques. Un tiers des petits commerces au centre ville d’Athènes va être fermé d’ici deux ans. L’urgence de réformes structurelles est à l’ordre du jour de la troïka (FMI, Banque Centrale Européenne, Union Européenne), car les problèmes de liquidité et d’investissement étrangers sont cruciaux, ainsi que la non-performance du secteur bancaire. Bien que l’UE soutienne la Grèce à un niveau record.
Stabiliser la situation
Le colloque « Sustainable HR Practices : the way forward Athens », les 4 et 5 octobre derniers, initié par l’European Club for human resources, qui réunit les DRH de grandes entreprises européennes, a voulu éclaircir les pistes de sortie de cette crise sans précédent qui ne concerne pas seulement le cas grec. Un panel d’experts et d’institutionnels est venu témoigner devant la communauté RH locale.
Monika Ekström, la représentante de la Commission Européenne en Grèce, a souligné que « l’adoption du projet de budget 2013 par le gouvernement va être un signe positif pour la troïka et va contribuer à la résolution de resserrement du crédit actuel ». La diminution des dépenses en 2013 est une continuation de la mise en place des mesures d’austérité qui frappent considérablement la classe moyenne grecque, les retraités, les jeunes, mais aussi les PME. Le gouvernement a besoin de trouver des mesures de croissance afin de retrouver la confiance de la population en expliquant de manière claire la nécessité des mesures actuelles et leur réalisation. Il est évident que les dirigeants des Etats membres aujourd’hui ne se posent plus la question d’une sortie de la Grèce de la zone euro, cette attitude a changé après le Sommet européen de juillet dernier. Cette évolution est liée au fait que le gouvernement grec actuel apparait comme le plus adapté pour résoudre la crise.
Janis Emmanouilidis, expert économique senior d’European Policy Center, affirme que la « position de la Grèce va dépendre fortement de l’évolution de la crise en Espagne et en Italie ». De plus l’Allemagne ne devrait prendre aucune décision avant les élections fédérales qui vont avoir lieu en automne 2013, ce qui va encore une fois retarder la prise des décisions qui en réalité ne peuvent plus attendre. Comme la question de la sortie de la Grèce de la zone euro ne se pose plus, cela donne un espoir du retour des investissements dans le pays.
Plusieurs initiatives se mettent en place au sein de l’UE pour répondre à la crise actuelle. On parle de l’union bancaire, de l’union économique et politique, de la règle d’or , de la régulation six-pack , etc. Cela montre que la nature de la crise est très complexe et il n’y a pas une seule solution miracle.
S’aider des DRH
Comme Harry Kyriazis, vice-président de la fédération des employeurs, l’indique dans sa présentation « De nouvelles législations du droit de travail », ont été adoptées en Grèce de nombreux changements avec une ouverture de trois niveaux de négociation collective : national, secteur, entreprise. “Cependant les entreprises ont besoin de temps pour s’adapter et analyser la flexibilité ouverte par ce nouveau contexte. Ce sont les directeurs de ressources humaines qui vont être les premiers à prendre en compte ces changements ». Il a insisté sur le fait que plusieurs chantiers doivent être mis en place : l’Etat grec doit comprendre l’importance du droit de travail pour les activités des entreprises, les syndicats doivent renforcer leurs actions, mais surtout les employeurs ont besoin d’un temps d’adaptation. Le rôle des plus grandes entreprises est fondamental pour aider à développer de nouvelles pratiques dans les autres secteurs. Francisco Penné, directeur du sud-est de l’Europe chez Air Liquide, insiste sur le fait que les changements doivent être initiés en collaboration étroite avec les syndicats et les salariés, avec une profonde connaissance des pratiques locales qui assure la maîtrise de la négociation. Il préconise de changer les mentalités et de savoir penser « out of the box ». L’innovation RH est en effet apparue comme une des clés pour engager les réformes structurelles et organisationnelles. Les entreprises helléniques remettent en question leur modèle et leur manière de fonctionner.
S’internationaliser
Comment se renouveler, trouver d’autres pistes ? D’abord, il faut trouver de nouvelles issues en terme de business. Kostantinos Axarloglou, professeur des relations économiques internationales à l’Université démocratique de Thrace, mise sur les idées originales pour exporter les produits locaux en repensant notamment la stratégie marketing : « Nous pouvons viser le haut-de-gamme, notamment en travaillant le packaging, pour exporter nos produits locaux. » Il lorgne une partie, ne serait-ce que 8%, du marché chinois, pour étendre les ventes à l’international.
Se diversifier
Les Grecs savent bien que cela ne suffira pas et que la remise en question de leur positionnement devra être profonde. Kriton Anavlavis, CEO à S&B Industrial Minerals S.A, appuie : « Nous sommes présents dans 31 pays et le challenge d’aujourd’hui est d’améliorer notre performance, notamment en essayant d’obtenir de novelles parts de marché. Pour cela, nous devons développer de nouvelles activités et toutes nos filiales, réparties dans le monde, visent cet objectif. »
Externaliser
Pour Aspa Pispa, directeur des ressources humaines chez Sanofi-Aventis Grèce, le secteur pharmaceutique progresse et s’organiser différemment en gardant en interne les compétences relevant du cœur du métier et en externalisant ce qui touche à l’organisation au business. Pour cela, la culture de l’entreprise s’adapte et change.
Développer les talents
Barbara Panagopoulou, directrice des ressources humaines chez Athenian Brewery S.A, témoigne : « Nous cherchons à anticiper l’évolution de notre environnement et développer notre agilité. Nous devons pour cela former nos collaborateurs pour qu’ils puissent améliorer leur performance et investissons notamment sur nos hauts potentiels. Nous avons mis en place des programmes spécifiques afin de former 30% de nos collaborateurs au changement. Nous avons mis en place notamment une académie d’initiation au coaching pour nos managers. Les programmes sont développés en interne. La formation a progressé de 70% mais le budget a paradoxalement diminué de 50%. Nous avons recours par conséquent à des formations en e-learning ou blended-learning. »
Communiquer
Les DRH présents ont par ailleurs insisté sur l’importance d’une bonne communication auprès des équipes qui doivent comprendre les nouvelles stratégies mises en œuvre. Dimitri Paplexopoullos témoigne : « Les salariés doivent être informés et comprendre les fluctuations de l’organisation et nous devons créer un sens commun pour les engager à nous suivre. » Kriton Anavlavis renchérit : « Nous développons une vision commune. Je suis convaincu que cela induit un sentiment de fierté et d’appartenance chez des salariés. A l’heure actuelle nous réorganisons la matrice afin de trouver des solutions durables pour le futur. Le département des ressources humaines participe étroitement au processus engagé. Il représente l’instrument de notre succès. » Les décisions et les objectifs visés doivent être compris et intégrés. Anastasia Makarigaki, directeur des ressources humaines chez Pepsico, va même jusqu’à faire participer les collaborateurs aux prises de décision et prend en compte les remarques faites.
La Grèce a pris à ses dépens conscience de ses failles. Aujourd’hui il faut l’aider à se relever, autrement qu’en la mettant sous simple perfusion, mais en la poussant à valoriser son potentiel. Aujourd’hui la Grèce a besoin qu’on l’aide à re-naître. Au-delà, comme insiste Jean-Pascal Arnaud, secrétaire général de l’ECHR en conclusion de ce riche séminaire : « Nous n’avons pas à apprendre à la Grèce, nous pouvons apprendre « DE » la Grèce et de sa recherche de nouvelles solutions pour générer une nouvelle confiance de toutes les parties prenantes, dans le respect réciproque et la consolidation de valeurs durables. »
Ce pays possède beaucoup de ressources, une histoire, une culture. Cellule du corps européen, il a encore beaucoup de choses à apporter à la communauté. L’Europe vient de recevoir le prix Nobel de la paix. Cette incarnation de cette partie du monde prouve que, aussi différents soient-ils, des pays de cultures différentes sont arrivés à s’unir pour bâtir une entité, certes non parfaite, mais qui a su semer les graines d’une ambition beaucoup plus grande. En sauvant la Grèce, la corde de la solidarité pourrait vibrer et nous porter jusqu’à une autre Europe, plus politique et sociale. Il n’est jamais trop tard pour arriver à former une Europe libre, indépendante et solidaire. Ne vous semble-t-il pas étrange, symboliquement parlant, que le premier pays européen à souffrir, « le pays qui nous a appris à « penser » et à « questionner », est celui qui représente le cœur de notre civilisation ? N’est-ce pas un signe fort ?
Christel Lambolez avec Dasha Bespyatova
1) L’article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance pose le principe de l’équilibre ou de l’excédent des budgets des administrations publiques ; la limite du déficit structurel autorisé est portée de 1 % à 0,5 %, pour l’« objectif à moyen terme » que chaque pays de l’Union européenne se fixe, il s’agit du déficit corrigé des variations conjoncturelles (à ne pas confondre donc avec le déficit nominal). Chaque pays veille à assurer une convergence rapide vers son « objectif à moyen terme » respectif (trajectoire pluriannuelle d’ajustement).
2) Le 13 décembre 2011, le pacte de stabilité et de croissance renforcé est entré en vigueur avec un nouvel ensemble de règles en matière de surveillance économique et budgétaire. Ces nouvelles mesures (le «six-pack») se composent de cinq règlements et d’une directive proposés par la Commission européenne et approuvés par les 27 États membres et le Parlement européen en octobre 2011. Il s’agit du renforcement le plus ambitieux de la gouvernance économique de l’Union européenne (UE) et de la zone euro depuis le lancement de l’Union économique et monétaire.