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2,5 millions de salariés sont en burnout sévère après deux années de crise sanitaire
Après deux ans de pandémie, cinq vagues de protocoles sanitaires en entreprise et la banalisation du « stop and go » du télétravail, dans quel état psychologique sont les salariés Français ? Le mode hybride qualifié de « new normal » du travail, la fatigue pandémique sont-elles des conséquences durables sur les salariés ? « Big résignation » ou « Big quit », aspirations nouvelles, nouveau rapport au travail sont-elles les conséquences directes et pérennes de ces deux années de travail contraint ? Quelles comparaisons avant cette crise ? Que font les entreprises ou les organisations pour lutter contre ce phénomène ? La 9ème vague du baromètre de la santé psychologique des salariés en période de crise réalisé par OpinionWay pour Empreinte Humaine suit depuis le début de la crise l’évolution de la santé mentale des salariés alors que tous les repères du monde du travail ont bougé. Sans surprise la santé psychologique des salariés reste très dégradée après deux années de crise sanitaire.
La détresse psychologique des salariés reste à un niveau élevé
Les indicateurs de l’état psychologique des salariés demeurent très inquiétants, ainsi la détresse psychologique des salariés français se dégrade depuis octobre 2021 atteignant 41% (+3 pts) dont 13% élevée (+1 pts). Les salariés sont 50% à s’isoler et à se couper du monde, et 40% à perdre souvent patience et à être facilement irritable. Ils sont enfin 1/3 à être moins réceptif aux idées de leurs collègues, et ¼ a être agressif pour tout et rien. Ce sont au total 34% (+1 pt) des salariés qui sont en burnout dont 13% en burnout sévère soit 2 500 000 personnes.
Les managers, les jeunes, les femmes toujours les plus touchés
Les populations les plus à risque demeurent les jeunes avec 54% des moins de 29 ans (+13 pts), les femmes qui pointent à 47,5 % (+3,5 pts) et les managers à 44% (+6 pts), de situation de détresse psychologique. Concernant les managers ils sont 38% à être en situation de burnout dont 16% en burnout sévère ; Enfin, les télétravailleurs sont quant à eux 36% à indiquer être en situation de burnout dont 13% de sévère.
La fonction RH particulièrement dans la tourmente
Nouveauté significative, la fonction RH particulièrement exposée depuis le début de la crise apparait parmi les populations en entreprises dont la santé psychologique se dégrade. Les professionnelles des ressources humaines sont ainsi 64% à être en situation de détresse psychologique et 63% en situation de burnout dont 34% de burnout sévère.
« Cette étude a eu lieu au moment de la vague Omicron et du renforcement de certaines mesures comme le télétravail. Les niveaux de détresse psychologique sont toujours très élevés. La chronicité de cet état engendrant nécessairement des conséquences en termes de santé : burn out, dépression, arrêts maladie, relations dégradées dans l’entreprise/ l’organisation, de turn over et intention de quitter… Avec cette 9ème vague, on note que la fonction RH est la plus exposée aux problématiques de santé psychologique : risques juridiques (obligation de prévention), mises en œuvre des protocoles sanitaires, perte de repères, mises en place de multiples changements, confrontation à l’éclatement des collectifs, gestion de la détresse psychologique de salariés, encadrement du télétravail, gestion de conflits etc… » commente Christophe Nguyen
La fatigue pandémique s’installe
67% des salariés se déclarent fatigués des discussions sur la COVID-19 dans les médias et 54% se déclarent fatigués du fait des changement successifs de règlementations et recommandations autour de la COVID-19. Les salariés sont enfin 35% à déclarer ne plus avoir envie de lutter contre la maladie.
Les entreprises peuvent bien mieux faire pour la santé psychologique des salariés
- 30% des salariés considèrent que leur direction générale est réellement engagée sur le sujet et ¼ pense qu’elle réagit rapidement en cas de problèmes de santé psychologique
- 21% d’entre eux déclarent qu’il existe une culture de la prévention des risques psychosociaux dans leur entreprise
- 20% pensent que leur entreprise vérifie que les actions de prévention mises en œuvre sont efficaces ou non
- Malgré l’ampleur du phénomène, seulement ¼ des salariés considèrent que leur entreprise a mis en œuvre des actions concrètes
Le cas du harcèlement et du management toxique
30% des salariés déclarent que leur entreprise réalise des enquêtes quand il y a une suspicion pour harcèlement moral ou sexuel ils sont ¼ à indiquer qu’on recadre ou sanctionne les managers toxiques dans leur entreprise.
Le rapport au travail des salariés a changé en 30 ans
Si l’on se reporte aux travaux de Lucie Davoine et Dominique Méda « Place et sens du travail en Europe : une singularitéì française ? » il apparait que la place du travail dans la vie des salariés se dégrade nettement depuis 30 ans. Ils sont ainsi 19% à déclarer que le travail tient une place importante dans leur vie, alors qu’ils étaient 70% au début des années 2000. La question du sens du travail évolue peu en revanche. Ils sont 22% considérer que leur travail doit être utile à la société là où ils étaient 18% à la fin des années 90. En 1999, ils étaient 75% à dire que pour développer pleinement ses capacités, il faut avoir un travail, ils ne sont plus que 40% en 2022. La sécurité d’emploi n’est plus (très) importante que pour 29% en 2022 alors qu’elle était à 43% en 2002. L’importance données aux possibilités de promotion passe de 83% en 2002 à 59% 20 ans après.
« Plusieurs résultats marquants : il existe peu de différences de résultats entre les générations ou genre. Le rapport au travail se modifie fortement. Les promesses d’émancipation, réalisation de soi au travail semblent avoir été bouleversées par la crise sanitaire. Les salariés en mauvaise santé psychologique sont les plus concernés par ces modifications. La qualité de vie au travail a été bouleversée. La question du bien-être et de la santé psychologique devient une motivation professionnelle.» analyse Christophe NGUYEN
Les attentes des salariés en matière de qualité de vie au travail en 2022
Selon les salariés français, les 4 (TOP 4) attentes prioritaires des salariés en matière de Qualité de vie au travail au sortie de la crise sanitaire sont :
1. L’équilibre des vies professionnelles et personnelles
2. Le salaire et les primes
3. De bonnes relations avec les collègues
4. La reconnaissance au travail (autre que salariale)
Et les actions les plus décriées sont (FLOP 3) sont :
1. Des programmes de nutrition
2. Des massages
3. Des séances de relaxation ou yoga
« Les attentes en matière de Qualité de Vie au Travail se confirment dans le domaine de l’équilibre des vies. La crise a replacé le besoin impérieux d’avoir une vie personnelle investie. La souffrance économique, le pouvoir d’achat, le salaire et des primes sont devenus prioritaires également. L’inflation et la crise Ukrainienne vont sans nul doute renforcer ce facteur. La reconnaissance au travail, autre que salariale, reste toujours une préoccupation majeure tout comme les bonnes relations avec les collègues (que la crise a mis à mal). Les démarches des organisations portant sur les « à-côtés » comme les programmes de nutrition, le sommeil, les massages ou autres sont clairement décriés et inadaptés quant aux besoins des salariés. Il faut arrêter de perdre du temps. De nombreuses études scientifiques montrent que ces actions ne sont pas efficaces pour la santé psychologique au travail, les salariés le savent également. » pointe Christophe NGUYEN
« Les organisations visent encore à motiver les gens, alors que c’est le contrat moral qui change. On ne doit pas faire fausse route et adapter les politiques de qualité de vie au travail ; » conclut Jean-Pierre BRUN
La 9ème vague du Baromètre « Impact de la crise sanitaire sur la santé psychologique des salariés » OpinionWay pour Empreinte Humaine, a été réalisée en ligne. Le recueil a été fait du 27 janvier au 11 Février 2022 auprès d’un panel représentatif de 2001 salariés représentatif et constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de secteurs d’activités, de nature d’employeur et de taille d’entreprises.
La mesure de la détresse psychologique se base sur un indicateur validé scientifiquement traduit en 25 langues dans des centaines de publications scientifiques. Il est un indicateur précoce d’atteinte à la santé mentale qui évalue la dépression et l’anxiété. Il s’agit d’un indicateur qui identifie, dans une population, les personnes qui sont plus à risque d’être atteintes de troubles mentaux sérieux. Le questionnaire utilisé pour mesurer la résilience est également un questionnaire validé et qui a fait l’objet de nombreuses publications internationales.
Empreinte Humaine, un cabinet engagé pour la santé psychologique et la qualité de vie au travail