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Le monde RH évolue : l’ANDRH fait ses propositions

2010-2011 continuera les actions menées jusqu’à présent pour promouvoir la santé au travail, favoriser l’engagement des salariés et mieux gérer les talents. En juin, la principale association des directeurs des ressources humaines présentait ses propositions.

1ere table ronde : la santé au travail

La santé au travail préoccupe de plus en plus l’ensemble des DRH. Les différents suicides, ou tentatives, qui sont intervenus ces derniers temps, les mettent sur le qui-vive. Les assises de juin dernier de l’ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines) ont permis de présenter les actions que les responsables RH souhaitaient entreprendre pour favoriser la prise en compte de l’état de santé des salariés. Un groupe de travail, intitulé « Santé globale en entreprise » aborde la question. « Nous sommes au début de nos travaux », reconnaît Charlotte Duda, ex-présidente de l’association et responsable de la commission Santé en entreprise de l’ANDRH. Quatre propositions sont avancées :

– Mettre en avant une approche globale de la santé au travail par une analyse et une prévention des risques exitants.

– Renouveler les pratiques des professionnels. Le risque est la disparition lente des médecins du travail. L’ANDRH préconise une coordination de réseaux pluridisciplinaires, notamment pour lutter contre les risques psychosociaux.

– Impliquer le management, notamment grâce à la formation

– Développer des outils adaptés : définir des indicateurs afin d’évaluer les actions conduites.

Invité à la table ronde, Bruno Fournet, directeur santé et sécurité au travail chez Disneyland Paris, a témoigné que son entreprise misait sur le management de proximité pour prévenir les cas de suicides. Pour lutter contre le mal-être au travail, il faut redonner du sens à ce dernier. «  Mais comment donner du sens au serveur ? », questionne Bruno Fournet, « Comment va-t-il arriver à relier son activité physique, pénible, au sens de son travail ? » Le directeur poursuit : « Nous voulons faire monter le niveau de sens dans toutes les activités et cherchons à relier les différentes actions à la performance de l’entreprise. » Disneyland Paris a connu trois suicides début 2010 et a mis en place une commission chargée de faire un état des lieux. Plusieurs services ont été mis en place comme un de consultation de psychologues et une ligne téléphonique d’entraide. L’entreprise négocie à l’heure actuelle son accord sur le stress avec les partenaires sociaux et compte sur l’encadrement, les RRH et les représentants du personnel pour être à l’écoute des collaborateurs. La concertation doit être la plus globale possible. Rappelons toutefois que seuls les salariés des grandes entreprises bénéficient d’un CHSCT. La CGT, invitée à la table, revendique des

« CHSCT de site » et souhaite une « nouvelle démocratie au travail ».

Dégradation de la santé globale

Mais la question est : « où commence et où s’arrête le rôle de l’entreprise ? » « Nous vivons plus longtemps certes mais dans quel état de santé ? », rappelle Véronique Chabernaud, fondatrice de « Créer la Vitalité », médecin cancérologue diplômée de l’ESSEC, ex-cadre dirigeant chez Rhône Poulenc, « Le diabète touche 3 millions de personnes en France, le nombre de maladies respiratoires, neurologiques et de cancers augmente. Les entreprises pâtissent de la dégradation de la santé globale. »

Bonne santé des salariés et entreprise performante ?

Pour motiver les entreprises à avoir une démarche proactive, il faudrait prouver au préalable le lien étroit entre santé au travail et performance économique. Les études en économie de la santé manquent. Éric Gosselin, professeur à l’Université du Québec, a recensé 52 études économétriques, réalisées de 1980 à 2006, et montre le lien très fort qui existe quand on mesure la santé au travail par le stress et la performance. Il démontre que le stress est toxique et que la santé des personnes et la santé des entreprises vont de pair.

2e table ronde : L’engagement des salariés : les nouveaux enjeux

Pascal Bernard, vice-président de l’ANDRH, a souligné les correspondances entre l’engagement personnel du salarié et l’accroissement de la performance de l’entreprise, et présenté les propositions de l’association :

– Faire de l’engagement un levier de performance individuelle et collective. Selon Pascal Bernard, le salarié doit mobiliser son savoir-faire mais aussi son savoir être. Il doit développer ses compétences en matière de conduite de projet, d’anticipation, de remise en cause, d’adaptabilité, etc… Il développe : « On a pensé qu’il est utile de reconnaître l’engagement dans l’entretien anuel. Ce dernier devient un atout pour valoriser les compétences et prendre en compte le potentiel du salarié. »

– Se doter d’un cadre général cohérent. Là, c’est la lisibilité et la visibilité de la stratégie de l’entreprise qui sont de mise. L’ANDRH aborde l’importance pour l’entreprise d’identifier « un référent engagement ».

– Enfin, l’entreprise devra s’appuyer sur une communication efficace.

Fabienne Autier, professeur en management des ressources humaines à l’Ecole de Management de Lyon, a présenté son projet de recherche sur le quotidien des managers : « Autopsie d’une semaine ordinaire ». N’importe quel individu doit adresser trois registres d’activités : ses obligations, ses initiatives qui le singularisent dans son travail, et ses aspirations qui l’engagent à se dépasser. « L’initiative et l’aspiration ne se distinguent que dans la tête du sujet », précise-t-elle. Son constat : beaucoup de managers restent cantonnés dans le premier niveau d’activité, celui des obligations. Ces dernières installent donc le cercle vicieux de l’épuisement. Ces personnes ont par conséquent très peu d’énergie pour faire autre chose, à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. Elle ajoute : « Les personnes qui accèdent au niveau des initiatives sont souvent des personnes qui ont des activités d’engagement hors travail. »

Anousheh Karvar, secrétaire nationale de la CFDT, souligne cependant qu’« il existe une ambivalence car la question de l’engagement renvoie à une décision personnelle ; c’est un acte individuel ». Elle ajoute : « Au sein de l’entreprise, il ne faut pas oublier que le salarié reste dans un lien de subordination. Il faut faire très attention quand on amène l’individu dans la sphère de l’entretien. L’entreprise peut devenir une machine à produire du conformisme. Si l’entreprise laisse de la place à la subjectivité des salariés, il faut être vigilant au type de pratiques qui diluent l’autorité. »

Jean-Michel Caye du Boston Consulting Group décrit les 4 ressorts de la motivation :

– aspiration et objectif

– responsabilité et fonctionnement collectif

– gestion de la performance

– compétences managériales

Il prévient que les individus motivés mais non canalisés « font des missiles non guidés » et constate une érosion de l’engagement depuis le début des années 2 000. Pour lui, la pente n’a jamais été remontée depuis la dépression de 2002. Le middle management est le plus concerné. Or, ce sont les managers qui sont sensés motiver l’ensemble des collaborateurs. Les hiérarchies n’ont jamais été aussi lourdes et pesantes. Il faudrait alors diminuer le nombre de niveaux hiérarchiques. «  Avec 7 niveaux hiérarchiques, vous pouvez couvrir 200 000 personnes », avance-t-il. Il faut redonner du pouvoir, de l’indépendance…

3e table ronde : la Gestion des talents

Enfin, l’ANDRH a abordé la valorisation des talents. Brigitte Dumont, directrice du développement et de la performance RH chez Orange et vice-présidente de l’ANDRH, a présenté les propositions :

– Revoir en conséquence les processus RH

– Mettre les talents en réseau. Hervé Borensztejn, VPRH Converteam, prône la mise en réseaux qui décloisonne l’entreprise. Pour cela, il faut mettre en place des outils innovants de communautés de pratiques. Il précise : « J’aime bien le mot GPEC quand le « P » signifie « précis ». Donner du sens est le maillon de la rétention mais faut-il à tout prix retenir les salariés ? »

– Miser sur « le contrat de développement ». Brigitte Dumont explique : « Les talents sont à tous les niveaux de l’entreprise mais le cadre juridique actuel ne permet pas de les détecter. Aussi, les contrats de développement permettraient de donner des repères en matière d’engagement de l’entreprise et de ses salariés.”

« Le statut du travailleur »

La CFTC va bien au-delà du contrat de développement, « proposition formalisée sur un temps » et se réfère à un projet de société : «  le statut du travailleur » pour permettre aux jeunes de s’insérer sur le marché du travail. « Nous voulons développer la participation au sein de l’entreprise, quelle soit financière ou décisionnelle, afin d’instaurer un climat de confiance », témoigne Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la CFTC.

L’ANDRH désire par ailleurs de nouveaux assouplissements en matière de contrat de travail afin de faciliter l’embauche des jeunes.

Brigitte Lemercier, fondateur de NB Lemercier&Associés, interpelle : « Le monde est train de changer rapidement. Je pensais que les propositions présentées aujourd’hui faisaient partie de vos pratiques professionnelles depuis une dizaine d’années ! La guerre des talents fait rage. La crise n’a rien arrangé et continue à accentuer les différenciations et à réveler des individus. On est passé à un niveau supérieur. Les plus aptes restent en lice et sont chassés. Il est de plus en plus difficile de les garder, de les intéresser, de les faire évoluer. Ils sont extrêmement sollicités. Une des solutions est de former les managers de tous les niveaux à gérer les ressources humaines dans leur environnement proche. Par ailleurs, dans les parcours de carrière, il faut être plus créatifs en termes de gestion du déroulement de la carrière professionnelle. Par exemple, beaucoup de personnes tiennent à faire des pauses pour partir à l’étranger. On voit des salariés des pays anglo-saxons qui partent pour un temps défini, parfois trois ans, et reviennent sans que leur départ n’ait impacté leur progression de carrière. Ils reviennnent énergisés, capables de prendre des postes à hautes responsabilités. Il faut aussi prendre des risques sur les talents, ne pas recruter toujours les mêmes profils. Attention également à continuer à recruter des jeunes au risque d’avoir d’énormes trous dans la pyramide des âges. Cela nous mettrait une balle dans le pied pour le futur. »

Xavier Grenet, auteur « Joies et tourments d’un DRH » publié en 2007, ancien directeur de la gestion des cadres de saint Gobain, termine : « Il faut s’occuper de tous les talents. Les talents sont des moyens de faire mais aussi d’être. Je me méfie des gens compacts. Il faut des trous d’air. Nombre de fois j’ai vu des entreprises se séparer d’un dirigeant qui avaient commis une faute et qui mettaient sur le marché un cadre compétent. » Il ne faut pas l’oublier, nous vivons une époque où la guerre des talents est avérée.

Christel Lambolez

 

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