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Seniors : les premiers pas vers le recrutement
Les entreprises ont oeuvré cette année pour maintenir leurs seniors dans une dynamique professionnelle. Aujourd’hui, une deuxième phase doit s’amorcer pour intégrer de nouveaux arrivants.
Tout le monde le sait : il faut régler le problème de la place des seniors dans notre société. À 55 ans, une deuxième carrière peut commencer. La réforme des retraites et les manifestations dans les rues en septembre ne font que pointer du doigt un peu plus le malaise de notre société qui n’a pas su s’adapter à l’allongement de la durée de vie. Le jeunisme poussif qui s’est développé dans l’entreprise constitue encore un frein à l’évolution des mentalités. Après des décennies de mise à l’écart, les DRH font tout pour leur retrouver un second souffle. Des premiers pas ont été franchis : on s’occupe davantage d’eux. Les entretiens de deuxième partie de carrière vont bon train et plusieurs idées d’intégration ou de réintégration, d’évolution professionnelle et d’adaptation aux conditions de travail ont émergé des réunions avec les partenaires sociaux dans le but de trouver un accord. Aujourd’hui, le maintien dans l’emploi est assuré pour un bon nombre de seniors, notamment grâce à des GPEC aménagées, afin de leur permettre d’évoluer au même rythme que l’entreprise et de ses métiers.
L’enquête Gestion des âges 2010, réalisée en mai dernier par l’ANDRH et le cabinet de conseil Inergie, montre que 86% des établissements interrogés déclarent avoir signé un accord seniors, mis en oeuvre un plan d’action ou encore bénéficient d’un accord de branche. Disneyland Paris possède 80% de non-cadres dans ces effectifs. Jean-Noël Thiollier, directeur de l’emploi et des rémunérations explique : « Ils comprennent bien les enjeux et nous les aidons à identifier leur talent pour leur assurer un bien-être au travail et leur vie professionnelle future ». L’enquête ANDRH montre pourtant bien que les exclus restent pour l’instant exclus ! La part des embauches de seniors n’a pas augmenté par rapport à 2008. Peu d’entreprises se sont fixé des objectifs de recrutement.
Deuxième phase : l’emploi des seniors
Parmi elles, Disneyland Paris qui a transformé une journée recrutement de seniors en match d’improvisation de baby-foot avec des juniors pour les immerger d’entrée dans la culture de l’entreprise. Peu adaptables les seniors ? « 80% des seniors qui sont venus ont voulu participer au match. Nous avons reçu plus de 500 postulants et 150 candidats ont été sélectionnés pour passer des entretiens d’embauche pour des postes permanents ou saisonniers. Nous nous étions rendu compte, depuis deux ans, que les seniors postulaient même pour des jobs d’été », explique Jean-Noël Thiollier. L’engagement est de 60 recrutements de seniors en trois ans.
SGS ICS Pétroservices a embauché 17 personnes âgées de plus de 55 ans entre le 31 décembre 2009 et le 31 mai 2010. Le groupe compte 2 400 collaborateurs et a pris l’engagement,dans son accord de 2009 sur l’emploi des seniors, que ces derniers représenteraient 10% des effectifs en 2012, contre 8% à l’heure actuelle. Très techniques, les métiers du groupe nécessitent d’avoir des experts. Véronique Cotelle, DRH de SGS ICS Pétroservices, explique : « Nos métiers sont physiques et, afin de les séduire, nous avons renforcé nos emplois vacataires. On leur garantit un temps de travail annuel. Nous les trouvons la plupart du temps grâce au bouche à oreille. Les services de reconversion de l’armée nous aident également à trouver les profils compétents. Sur les sites emploi nous faisons des recherches multicritères ou multicompétences ». Au-delà de leurs compétences, la DRH apprécie leur attachement à l’entreprise et leur niveau d’implication qu’elle regrette ne pas trouver chez les juniors. « L’avenir pour le groupe est de développer le tutorat », affirme-t-elle. À entendre certains professionnels, la France perd ses expertises et les seniors permettent de transmettre les savoirs-clé de la compétitivité et de la performance des entreprises et notamment des PME. Laurent Vronski, directeur général d’Ervor, a même décidé d’embaucher de « père en fils » : « Nous sommes le dernier fabricant en France de compresseurs d’air sur mesure. Nous avons misé sur nos plus de 45 ans pour perdurer et commencé à recruter des seniors il y a plus de sept ans désormais. Ils ont en charge des projets pointus et forment les plus jeunes. Nous proposons même des stages à leurs enfants de manière à ce qu’ils apprennent un métier. En effet, nous ne sommes pas satisfaits des formations actuelles au sein des lycées techniques. Les métiers manuels ont été dévalorisés et les chaînes vertueuses cassées ». Une transmission pour le coup assurée !
Christel Lambolez
Article paru dans le Revue Personnel d’octobre 2010